« Mon soutien psy » : pourquoi le dispositif ne fait pas l’unanimité
Mis en place le 5 avril 2022, « Mon soutien psy » multiplie depuis les critiques de la part des professionnels de santé. Nouvelle salve de mécontentements le 5 juin 2025, avec la tribune d’un collectif de 173 enseignants-chercheurs en psychologie clinique, publiée dans le journal Le Monde, pour pointer le désengagement de l’État en psychiatrie. Pourquoi tant de réserves alors que près de 600 000 personnes ont déjà bénéficié du dispositif ? L’UDSM fait le point.
À l’origine, sur le papier, l’idée était plutôt séduisante. La France sort de la pandémie de Covid-19 avec une santé mentale de la population dégradée, accusant une hausse de + 6 à + 9 points comparé à 2017, selon Santé Publique France. Dans le détail : 16% de la population générale est affectée par un état dépressif et 23% par un trouble anxieux.
Autre constat de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) : « Plus d’1 Français sur 5 sera touché par un trouble psychique au cours de sa vie. » Résultat : le gouvernement a décidé d’agir et de réagir. De quelle façon ? En créant, le 5 avril 2022, le dispositif « Mon parcours psy », rebaptisé « Mon soutien psy » en 2023, avec une prescription médicale qui n’est désormais plus nécessaire. L’idée : proposer 8 séances d’accompagnement chez un psychologue conventionné – 12 séances depuis le décret publié au Journal Officiel du 15 mai 2025 -, à raison de 50 euros la séance, remboursée à 60% par la sécurité sociale, le reste par la mutuelle.
Parallèlement à cela, la santé mentale a été désignée Grande Cause nationale en 2025 et, du 30 mars au 20 avril 2025, l’Assurance Maladie s’est engagée à mieux faire connaître « Mon soutien psy » au grand public par le biais d’une campagne de communication. Résultat : à ce jour, près de 600 000 patients ont déjà bénéficié d’un suivi psychologique – soit 3,1 millions de séances réalisées – de la part de 5 217 psychologues partenaires. Le ministère de la Santé souligne également qu’entre la fin de l’année 2023 et celle de 2024, le nombre de nouveaux assurés ayant eu recours à « Mon soutien psy » a presque doublé. Par ailleurs, selon une enquête de l’institut BVA, 63 % des psychologues interrogés affirment que « Mon soutien psy » a contribué à un repérage précoce de troubles psychiques chez des patients qui ne consultaient pas de psychologue avant sa mise en place. Malgré cela, la colère monte. Une partie des professionnels de santé fustige le dispositif créé en 2022. Du 30 mars au 20 avril 2025, l’Assurance Maladie s’est engagée à mieux faire connaître « Mon soutien psy » au grand public par le biais d’une campagne de communication.
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Prises de paroles sur les réseaux sociaux, débats, tribunes dans la presse… tous les moyens sont bons pour pointer du doigt « Mon soutien psy » au grand dam des pouvoirs publics. En effet, pas plus tard que le 13 mai 2025, sur le plateau de TF1, le président de la République, Emmanuel Macron, a déploré la sous-utilisation du fameux dispositif. Selon le chef de l’État, cet échec viendrait en partie des psychologues libéraux, réfractaires à « Mon soutien psy » : « Cela n’a pas marché comme on le voulait, car il n’y a pas une culture de la coopération entre les psychiatres et les psychologues, en tout cas elle est encore défaillante. »
Le 13 mai 2025, sur le plateau de TF1, le président de la République, Emmanuel Macron, a déploré la sous-utilisation du dispositif « Mon soutien psy ».
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« Un quart des patients atteignent la huitième séance… »
« Si le taux de recours au dispositif [Mon soutien psy] atteste bel et bien d’un criant besoin de soins », « la faible adhésion et le taux d’abandon anormalement élevé font craindre des prises en charge inadaptées », souligne un collectif de 173 enseignants-chercheurs en psychologique clinique, dans une tribune publiée dans le journal Le Monde le 5 juin 2025. Ils poursuivent : « On ne saurait considérer comme une réussite le fait que seul un quart des patients atteignent la huitième séance sur les douze prévues – la moyenne s’établit à 4,8 séances par patient. » Puis, ils assurent, par ailleurs, « que la majeure partie des organisations représentatives de la profession [de psychologue] continue [de] refuser obstinément le principe » du dispositif. Selon eux, « dans sa forme actuelle, Mon soutien psy reste perçu comme un levier de retrait progressif de l’État dans la prise en charge du soin psychique, au profit d’une ubérisation du secteur ». De son côté, le collectif Manifestepsy plaide pour « une pluralité des approches » et les adeptes des thérapies longues restent perplexes quant aux 12 séances. Certains d’entre eux parlent d’« un humain à remettre sur pieds en un temps record, afin qu’il puisse de nouveau fonctionner, peu importe ce qu’il traverse intérieurement ». Autres points de discorde : le tarif de la séance, jugé trop bas par de nombreux praticiens, ainsi que la cohabitation de « Mon soutien psy » avec les centres médico-psychologiques (CMP), que le dispositif est censé désengorger, tout en renforçant la prévention et en limitant les hospitalisations.
Axes d’amélioration et recommandations
En marge de la campagne grand public menée au printemps dernier par l’Assurance maladie, un rapport ministériel d’évaluation de « Mon soutien psy » a été publié le 27 mars 2025. Ce bilan, à deux ans de fonctionnement du dispositif, a permis de pointer quelques axes d’amélioration, résumés à travers 6 recommandations. Parmi celles-ci, citons l’augmentation souhaitée du nombre de psychologues conventionnés, une meilleure coordination entre médecin – ou psychiatre – et psychologue, une évaluation de l’impact de « Mon soutien psy » sur la santé mentale et sur certaines populations, dont les enfants et les adolescents, ainsi qu’une dématérialisation du circuit de facturation. Car celui-ci repose actuellement sur une feuille de soin papier.
Grande Cause nationale en 2025, la santé mentale fait donc couler beaucoup d’encre et ne laisse personne indifférent. Surtout à l’heure de l’intelligence artificielle (IA) et des robots conversationnels dont certains servent de confidents, voire remplacent les consultations chez le psy. Interrogé sur France Info, le 25 mai 2025, quant à l’émergence de ce phénomène, le psychiatre et psychanalyste Serge Tisseron, également auteur du livre Le Jour où mon robot m’aimera – Vers l’empathie artificielle (Albin Michel), a rappelé qu’« une thérapie ne se réduit pas à trouver quelqu’un qui nous écoute. Le patient attend du thérapeute qu’il le mette sur la voie de choses qui lui semblent importantes, et que le patient n’aborde pas ». Grande Cause nationale en 2025, la santé mentale fait couler beaucoup d’encre et ne laisse personne indifférent…
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À l’inverse, « le chatbot va vous caresser dans le sens du poil et vous flatter, car s’il vous contredit, vous risquez de quitter la conversation ». Enfin, le psychiatre a conclu : « Tout ce qui soulage dans l’instant n’est pas forcément bénéfique à terme. (…) Le thérapeute prend le risque de dire quelque chose qui ne fait pas plaisir pour permettre au patient de voir le monde autrement. »