Vincent, le visionnaire

Il fonctionne à l’instinct. Ses intuitions le guident. Il sait se projeter dans un avenir, même incertain. La seule fois où Vincent s’est trompé, c’est lorsqu’il pensait ne jamais venir s’installer en Ile-de-France. Né du côté de Saint-Brieuc, dans les Côtes d’Armor, il s’était toujours dit : « Jamais Paris ! » Mais son parcours, ses détours – « et l’amour », ajoute-t-il – l’ont finalement mené jusqu’à la capitale, où il vit aujourd’hui avec femme et enfants.

« Le son, c’était mon truc ! »

Gamin, Vincent se voyait devenir instituteur. « J’adorais l’école. Je bouclais mes cahiers de vacances en 3 jours », se souvient-il. Ce qu’il retient aussi de son enfance dans la campagne bretonne, « ce sont les potagers dans le jardin de mes grands-parents ». Une fois au collège, il est « moins fan » des cours dispensés, « car il y a moins de découvertes ». Son bac « économique et social » en poche, il s’inscrit en fac d’anglais à Rennes. Mais il s’ennuie. L’année suivante, direction la socio. Reste que la greffe ne prend toujours pas avec l’université. Passionné de musique, Vincent intègre alors une école rennaise pour devenir ingénieur du son. « Là, c’était mon truc ! » À l’issue d’un cursus de 3 ans, il enchaîne avec une saison au Club Med de Dakar, en tant qu’« ingé son » et source d’inspiration pour la création, in situ, d’un club dédié aux ados. Puis, changement de direction et nouveau départ, vers le Canada cette fois, pour travailler à Radio Montréal, toujours comme ingénieur du son. « Je serais bien resté là-bas… » Sauf que son visa n’avait que 6 mois de validité. À 26 ans, Vincent rejoint, à regret, sa Bretagne natale. Nouveau cap et nouvelle vie où, au hasard d’une rencontre, il héberge un éducateur technique spécialisé. D’emblée, ce métier l’intéresse. Il veut et va se former à Saint-Brieuc, durant 3 ans. Un cursus qu’il complètera, en parallèle, avec un brevet professionnel en horticulture. « Cette autre discipline me plaisait, car elle touche au vivant et au temps qui passe. »

Sensibiliser les jeunes « au savoir-être et au savoir-faire »

Il aime les voyages, la route, l’ailleurs. C’est en 2013, lors du mariage d’un cousin à Buenos Aires, en Argentine, que Vincent fait la connaissance de sa compagne et future mère de leurs 2 garçons. Elle vit et travaille à Paris… Il va la suivre et renoncer à sa promesse de « ne jamais poser ses bagages en région parisienne ». Dans un premier temps, Vincent intervient au sein d’un centre éducatif à Gagny. Puis, il va postuler à l’Union pour la défense de la santé mentale (UDSM), qu’il rejoint en novembre 2020 en tant qu’éducateur technique spécialisé en horticulture. Son rôle : « J’accompagne des jeunes âgés de 14 à 20 ans, voire 22 ans parfois, qui vivent avec des troubles de la relation, des troubles psychiques, des jeunes autistes ou encore exclus du système scolaire. » Vincent les initie à l’horticulture, « sans les pousser à devenir horticulteur ». « L’idée, poursuit-il, c’est avant tout de les faire arriver à l’heure, qu’ils créent du lien avec les autres, mais aussi de les sensibiliser au savoir-être et au savoir-faire. Ils apprennent, par exemple, à couper des plantes, monter une serre, bricoler, construire une cabane à oiseaux, tondre, désherber, peindre… On adapte la prise en charge et les activités au cas par cas. »

Kin-ball, musique et théâtre…

En marge de l’horticulture et de la musique, Vincent a une autre corde à son arc. À savoir : le théâtre. Si bien que le matin, les jeunes s’équipent – avec gants, casque anti-bruit, chaussures de sécurité… – et jardinent. Puis, l’après-midi, changement de décor, avec une palette d’activités qui évoluent chaque semestre. Le kin-ball – « un sport venu du Québec, basé notamment sur la coopération et le respect des règles… » -, la musique et le théâtre, c’est donc avec Vincent et ses collègues que cela se passe. Et l’éducateur met la barre très haute, puisque les jeunes préparent et répètent une pièce qui se destine à être jouée dans la salle Jacques Brel, à Fontenay-sous-Bois, qui compte quelque 600 places… « Nous leur apprenons aussi à rendre la monnaie, nous organisons de sorties dans des musées… Nous mettons tout en œuvre pour qu’ils deviennent de vrais citoyens. Nous les préparons à leur vie d’adultes. D’ailleurs, ils nous vouvoient, ce qui permet d’instaurer la notion de respect et maintenir une certaine distance. »

« Continuer de se former, c’est pouvoir se renouveler »

Vincent se dit « épanoui ». « J’aime venir travailler », confie celui qui enfourche son vélo chaque matin pour rallier Fontenay-sous-Bois en 20 minutes chrono. Toutefois, il n’est pas du genre à se reposer sur ses lauriers. « En parallèle à mon activité à l’UDSM, je me suis formé au ‘leadership éthique’, durant 3 ans. Je suivais les cours en soirée et durant mes vacances, en visio et en Normandie. » Ce qu’il en retient ? « Désormais, je tourne mon regard sur une vision du potentiel de chacun. Je pars de ce que le jeune sait déjà faire et, ensemble, nous l’approfondissons. Je mets tout en place pour aller chercher des réussites… Des petites, comme nouer ses lacets. Mais aussi des plus grandes, comme bâtir une cabane. » À 45 ans, Vincent aimerait se former également à la psychologie : « Continuer d’apprendre, c’est pouvoir se renouveler, ne pas s’encroûter, mais aussi échanger des points de vue avec les collègues pour s’enrichir mutuellement. » Pour l’heure, on l’attend ailleurs : « Je vais me faire prendre en photo, puis j’irai installer la batterie électronique qui vient d’arriver chez moi, avant d’aller chercher mon fils à son cours de musique. »